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Dans cette espèce, deux particuliers propriétaires d'une maison d'habitation avaient demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision par laquelle la société ENEDIS avait refusé de procéder au retrait d'un pylône électrique implanté sans droit ni titre sur leur propriété.
Ils avaient en plus de cette demande en annulation demandé une indemnisation de leur préjudice compte tenu de la présence du pylône sur leur parcelle. Préjudice qu'ils estimaient à 30 000 euros.
En première instance, le tribunal administratif avait rejeté leur demande. Toutefois en appel, ils ont obtenu gain de cause devant la cour administrative d'appel de Versailles ( Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 2 juin 2022, 20VE00657).
La société ENEDIS s'est donc pourvue en cassation et a saisi le Conseil d'Etat.
Afin de se défendre, la société ENEDIS avait invoqué le fait que l'action était prescrite compte tenu du fait que l'ouvrage se trouvait sur la propriété des intéressés depuis plus de trente ans.
A ce titre la société demande donc au Conseil d'Etat de se faire application des dispositions de l'article 2227 du code civil aux termes desquelles : « [...] les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».
Toutefois, le Conseil d'Etat rejette l'argumentation de la société ENEDIS en jugeant que compte tenu de la spécificité de l'action en démolition d'un ouvrage public empiétant irrégulièrement sur une propriété privée, ni aucune disposition, ni aucun principe ne fixe une prescription à un tel principe.
A l'occasion de cette décision le Conseil d'Etat rappel également sont considérant de principe issues sa jurisprudence du 29 novembre 2019 (CE,29 novembre 2019, n°410689, École Nationale supérieure des Beaux-Arts) au terme de laquelle :
« Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, en tenant compte de l'écoulement du temps, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général. »
Cela signifie que lorsque le juge administratif est saisi d'une demande en démolition d'un ouvrage public il doit respecter 3 étapes :
1. Il doit vérifier que l'ouvrage est irrégulièrement implanté (c'est-à-dire sans droit ni titre) ;
2. Si c'est le cas il doit vérifier si une régularisation est possible ;
3. Si la régularisation n'est pas possible il doit faire la balance des intérêts en présence.
La décision du Conseil d'Etat du 27 septembre 2023 ajoute que le juge doit tenir compte de l'écoulement du temps lorsqu'il fait la balance des intérêts en présence.
Cela conduit le Conseil d'Etat a estimé que compte tenu de l'absence de diligences des propriétaires qui ont tardé à demander le retrait du pylône cela était de nature à limiter les inconvénients qu'ils ont subi et dont ils ont fait état. Par conséquent leur préjudice doit être considéré comme moindre.
Autrement dit, nous ne pouvons qu'inviter les personnes qui découvre une implantation irrégulière d'un pylône électrique sur leur propriété d'agir au plus vite !
Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 27 septembre 2023, n°466321
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